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ZarathoustraDom
#11
@Edoné Loin de moi l'idée de prétendre que Racine est dépourvu d'imagination ! Bien au contraire, et je n'ai peut-être pas été assez clair dans mon texte : les règles peuvent être une source d'inspiration, et peuvent d'ailleurs être très érotisantes, je ne le conteste pas ! Elles constituent aussi, de façon évidente, un moyen ou un outil d'autorité... Cependant, votre évocation de Racine est intéressante à plus d'un titre, et je me permettrais les commentaires complémentaires suivants : - tout d'abord, j'adore en effet la trame dramatique des pièces de Racine, mais je suis très peu sensible à la structure textuelle de son œuvre : d'une façon générale, j'apprécie peu la rigidité des alexandrins (même si certains d'entre eux peuvent être sublimes, par ex. "Lui qui me fut si cher, et qui m'a pu trahir, Ah ! je l'ai trop aimé pour ne le point haïr !" dans Andromaque), et je perçois clairement la règle des trois unités d'action, de lieu et de temps (sans oublier aussi l'unité de ton et la règle des bienséances internes et externes !) comme un carcan. Entendons nous bien, j'adore la littérature française (et étrangère) dans son ensemble, mais Racine est loin d'être mon préféré, sans aucun doute pour ces raisons de rigueur académique qui ne me conviennent pas. Et je ne suis pas loin de penser même que la façon dont ces textes sont enseignés aux jeunes enfants au sein de l’Éducation Nationale contribue à les dégoûter de lire, fort malheureusement ! J'ai pour ma part bien davantage apprécié la langue libre et inventive d'un Rabelais que la langue ampoulée de Racine, mais cela est évidemment très personnel... - ensuite, je rajouterais qu'heureusement que ces règles que Racine respectait ont été transgressées par d'autres, sinon nous n'aurions jamais connu la commedia dell’arte, la subtilité verbale du marivaudage de Marivaux, le vaudeville de Courteline, Feydeau ou Labiche, sans oublier bien sûr le théâtre contemporain de Kafka, Ionesco, Alfred Jarry ou Yasmina Reza (liste non exhaustive) ! Et on pourrait multiplier les exemples dans tous les domaines artistiques (Boileau vs Verlaine ou Rimbaud, Bach vs Chopin, Raphaël vs Picasso, etc...). Ceci pour expliquer que des règles ne doivent en aucun cas rester figées, sous peine de rapidement devenir désuètes et donc mourir de leur belle mort : c'est pour cela que je parlais de morbidité des règles réduites à l'état de dogme. Ainsi, pour le domaine qui nous concerne, et pour ne prendre qu'un seul exemple, les fameuses "12 règles de la soumise" ne sont que des règles particulières, qu'un couple D/S - MasterMind et Salomé - a mis sur la papier et diffusé en 1993 : cela ne signifie aucunement que ces règles dussent être universelles et s'imposer à tous comme paroles d’Évangile, mais uniquement que c'étaient celles qui convenaient à leur couple ! - le débat entre des règles figées ou évolutives, si l'on s'en tient à l'exemple de Racine que vous mentionnez, me fait donc irrésistiblement penser à la "querelle des Anciens et des Modernes" (ou des "classiques et des Modernes", aussi) qui a opposé, à la fin du XVIIème siècle, les tenants - menés par Boileau - d'une perfection artistique basée sur l'imitation des auteurs de l'Antiquité à ceux - représentés par Charles Perrault - qui défendent l'idée que la création littéraire peut innover et engendrer des formes artistiques nouvelles... Donc, oui, je maintiens mon assertion selon laquelle "La règle par définition et par construction interdit de penser, la règle est une dictature de l'esprit, la règle est un carcan de la pensée", mais en la nuançant ou en la précisant : - d'une part par le fait que je suis absolument d'accord que des règles sont nécessaires, bien évidemment ; - qu'elles peuvent avoir un rôle très stimulant voire de déblocage d'une libido défaillante ; - que ce n'est donc pas l'existence de règles que je remets en cause, mais le fait que ces règles, lorsqu'elles sont érigées en dogme, deviennent sclérosantes ; - que ces règles doivent en principe faire l'objet d'un consentement mutuel au sein d'un couple D/S, même si l'initiative en revient bien sûr au dominant (avec l'exception que certaines personnes ont besoin d'un "cadre", comme le souligne Heartbeat, et sont enclines à accepter toute règle qu'on leur impose, mais sont donc consentantes pour cela) ; - que des règles artificielles peuvent parfois être un palliatif au manque d'autorité naturelle : un dominant naturel n'a pas besoin de règles pour imposer sa volonté, en réalité ; - qu'aucune règle ne peut prétendre à l'universalité : certains connaissent peut-être l'aphorisme humoristique qui dit "SI quelqu'un a un ami imaginaire, on appelle ça la démence. Si plusieurs personnes ont le même ami imaginaire, on appelle ça une religion." Remplacez "ami imaginaire" par "règle", et l'on comprendra bien ce que je veux exprimer ! - qu'on peut aussi prendre du plaisir à transgresser les règles, comme l'expriment si bien Hearbeat, Yid2mars ou swanny33 plus haut ; - et donc, au final, se rappeler que toute règle a ses exceptions (y compris dans la langue académique de Racine !). En conclusion de ce - trop long - commentaire, je dirais qu'on peut bien sûr prendre du plaisir et même se sentir en situation de bien-être à respecter des règles (cf. le "Discours de la servitude volontaire" de La Boëtie, ou la la "Dialectique du Maître et de l'Esclave" de Hegel, par exemple), mais qu'il est important et fondamental de savoir distancier et comprendre ce dont il s'agit, sous peine de se retrouver en situation "d'infantilisation" au sens de l'analyse transactionnelle et de la PNL, comme je l'expliquais plus haut à Empire. Ceci étant posé, encore une fois, obéir à des règles, ou les imposer, selon la position de soumis.e ou de dominant.e, peut être une source d'émotions intenses, il n'a jamais été dans mon intention de le nier ! Je vous rejoins donc entièrement dans la capacité créative des règles, mais avec toutes les nuances ci-dessus ! :-)
Dernière modification le 23/05/2018 13:11:51 par ZarathoustraDom.
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